THE EVERMINDS

Si vous aimez les biographies d’artistes qui tiennent en trois lignes, on a une mauvaise nouvelle : vous venez déjà d’en lire deux qui ont pour seul objet de vous expliquer que, dans le cas présent, il en faudra bien davantage que trois. 

La bonne nouvelle, c’est qu’on va vous parler de The Everminds – mais en prenant le temps. En s’offrant le luxe de la digression. Des parallèles qui donnent du sens et éclairent le parcours. On va vous parler de ce groupe de pop-rock à l’esthétique ample et ludique, mais aussi, à travers le jeu des affinités et des analogies, de ses sources d’inspiration, de ses modèles, de ses racines. 

Eric Elbaz, Laurent Cadenne et Sébastien Ramseyer sont français, leur état civil en atteste, et c’est dans les Yvelines qu’ils ont installé leur repère : leur studio d’enregistrement, si crucial dans leur processus créatif. Mais de toute évidence, leur identité musicale, elle, vagabonde bien plus à l’Ouest. C’est une musique anglo-saxonne par le cœur et le sang, mais aussi par le vécu du chanteur-guitariste et compositeur Eric, dont une partie de la vie s’est écrite en Angleterre et aux Etats-Unis, et du batteur, Sébastien, qui a fait ses études au Nouveau Mexique. Ne pas s’étonner, dès lors, d’entendre quelque chose de très « ancré », de très charnel et authentique, dans son écriture et ses intonations de chant, mais aussi dans les réponses (des trois musiciens) qui vont suivre dans les pages suivantes. Ready? Go. 

1 • SI THE EVERMINDS ÉTAIT UNE FIGURE GÉOMETRIQUE ? 

Réponse unanime : un triangle. Trois côtés, trois pointes (ou « sommets »), et au centre, un espace contenu, bien défini, qui, dans l’univers musical dont il est ici question, est celui de l’entente, de la conciliation heureuse. 
L’histoire du rock nous a offert quelques belles aventures à trois, de The Police à Supergrass, de The Jam à The Jon Spencer Blues Explosion. La vie en trio est-elle plus facile, plus harmonieuse, que dans des groupes à 4, à 5, à 6 ? Difficile à dire. Mais concernant ces trois-là, la question ne se pose même plus car ils sont amis – et de longue date ! – autant que co-cerveaux d’un projet musical dans lequel l’implication de chacun est essentielle à chaque instant du processus. Autrement dit, ils ne sauraient pas faire autrement ! 
Un chanteur-guitariste (Eric). Un batteur (Sébastien). Un clavieriste et ingénieur du son (Laurent). Oui mais encore ? Trois musiciens qui ne font plus qu’un lorsque chacun trouve sa place derrière la console SSL équipant leur propre studio d’enregistrement depuis l’année 2015 (lire plus bas). 

2 • SI THE EVERMINDS ÉTAIT UNE VILLE ? 

Même si leur premier album studio a des airs (et des couleurs) de bande-son idéale à un road trip en Californie – des falaises de Big Sur jusqu’aux collines d’Hollywood –, c’est bien à Paris qu’a commencé l’aventure ! Et c’est toujours vers Paris que reviennent Eric, Seb et Laurent, jamais blasés par les lumières, l’architecture, l’histoire et les promesses de la ville de Brassai, Zola et Sarah Bernhardt. Aujourd’hui, les trois musiciens revendiquent pleinement cette identité, cet ancrage culturel et esthétique. Mais l’essentiel de la musique avec laquelle ils ont grandi étant anglo-saxonne, c’est vers le rock et la pop qu’ils se sont tournés lorsqu’ils ont commencé à jouer en trio. 

3 • SI THE EVERMINDS ETAIT UN PHOTOGRAPHE ? 

Là encore, la réponse est spontanée : ce serait Ansel Adams. Pour son amour des grands espaces. Pour son art des noirs et blancs profonds. Il n’est pas rare, au sein du trio, qu’une discussion autour du son à donner à une nouvelle chanson s’aventure du côté de l’art ou de l’architecture. Car en musique aussi, souvent, il est question d’espace, de profondeur de champs, de teintes et de contrastes, de premier plan et d’arrière plan. A leur façon, Eric, Sébastien et Laurent sont des photographes de leurs propres performances sur instrument : dans leur studio, il leur revient de déclencher l’obturateur au bon moment. Et plus tard, ils enverront les résultats de leurs travaux en studio au mixeur américain Michael Brauer (mondialement reconnu pour son travail avec les Rolling Stones, Coldplay, John Mayer et tant d’autres, et sept fois récompensé aux Grammys). Depuis les Etats-Unis, Brauer apporte les ultimes touches au travail en studio des trois français. « Et lorsque nous recevons les chansons mixées par Michael », confie Eric, « nous sommes toujours sidérés par sa science du son et les parti-pris qu’il apporte, la façon dont il fait briller tel ou tel élément. C’est vraiment un immense mixeur de sons et de musiques ». 

4 • SI THE EVERMINDS ETAIT UNE CHANSON ? 

Pour Eric : Wildflowers de Tom Petty. 

Pour Seb : Hurt, interprétée par Johnny Cash. 

Pour Laurent :  In your eyes de Peter Gabriel. 

5 • SI THE EVERMINDS ETAIT UNE ANNEE DANS L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE ? 

Contrairement aux réponses apportées par le trio aux « analogies » précédentes, cette question-là a demandé mûre réflexion ! Mais voici la réponse, et comme toujours chez The Everminds, elle est accompagnée d’une explication tout à fait cartésienne. L’année, ce serait 1986 ! Pourquoi ce choix ? « Parce que c’est une époque, dans l’histoire pop-rock britannique et américaine, où le type de son que nous aimons le plus est produit dans des studios souvent équipés de consoles SSL », répond Eric Elbaz. 
Conçues près d’Oxford, Angleterre, depuis les années 1970, les SSL (pour Solid State Logic) sont à la fois synonymes de clarté et de puissance, et des producteurs emblématiques comme Steve Lillywhite, Trevor Horn et Bob Clearmountain en ont fait leur principal outil de travail. Amoureux de ce type de son, Eric, Seb et Laurent ont donc eu la chance de pouvoir acquérir une de ces « Formule 1 des studios » en 2015. C’est elle qui donne son âme à leur studio d’enregistrement, dans les Yvelines – et qui fait presque figure de « quatrième musicien ». Et puis, autre raison de choisir 1986 : il s’agit de l’année de publication de l’album So de Peter Gabriel, un disque qui fait l’unanimité au sein du groupe. 

6 • SI THE EVERMINDS ETAIT UN FILM ? 

« Est-ce qu’on a le droit à plusieurs choix ? », demandent les musiciens du trio, qu’on malmène un peu avec nos questionnaires inquisiteurs. Ce sera donc The Big Lebowski, des frères Coen (en 1998), pour Eric, qui précise toutefois : « mais il y aurait tellement d'autres choix possibles, c’est une question très difficile… » Sébastien, lui, citera La Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton, et Laurent citera Les Tontons flingueurs (1933). « Et si on mentionnait aussi un film musical ? », ajoute le trio, toujours sous le charme du récent et génial The Beatles : Get Back de Peter Jackson (en plusieurs épisodes). Et pourquoi pas en effet ? 

7 • SI THE EVERMINDS ETAIT UN INVENTEUR ? 

Ole Kirk Christansen, l'inventeur du LEGO (qui tient son nom du danois « Les godt » - c’est à dire « joue bien »). 

8 • SI THE EVERMINDS ETAIT UN CONCEPT ARITHMETIQUE ? 

Le plus grand dénominateur commun ! C’est à dire une forme de philosophie du partage qui se marrie parfaitement au format du triangle. 

De Fleetwood Mac à Oasis, l’histoire du rock a été féconde en rivalités entre musiciens du même groupe, en batailles d’égo épuisantes et nocives : «Ma chanson est meilleure que la tienne ! J’ai raison et tu as tort ! » Sauf que l’étroitesse d’esprit et l’absence d’écoute de l’autre ne mènent jamais très loin.. A l’inverse, Eric, Sébastien et Laurent savent tous ce qu’ils doivent à l’histoire (et à la richesse) des musiques populaires, ils n’hésitent jamais à se replonger dans un disque de Supertramp, de Michael Jackson, ou dans une production brûlante de Nile Rodgers (référence majeure pour Eric, même si la musique de The Everminds ne le laisse pas forcément deviner). 

En d’autres termes, les trois co-producteurs et musiciens sont très attentifs à la question du « lien » qui peut s’établir, à travers chaque chanson, avec celui ou celle qui l’écoute et la reçoit. C’est une musique qui tend la main, une musique qui cherche à rassembler, autour d’une mélodie, d’une émotion – comme en témoigne le très beau titre Song for everyone. 

Or ce genre de musique se construit dans l’échange, avec pour références partagées les grands disques de Bowie, de Radiohead, de Tom Petty, de Peter Gabriel. 

9 • SI THE EVERMINDS ETAIT UN SENTIMENT HUMAIN ? 

La fidélité. 

(Et là, il n’y a vraiment rien à ajouter…) 

Emmanuel Tellier, pour The Everminds, février 2023